Homélie de Mgr Lonchyna
pour le Dimanche du publicain et du pharisien
2 Tm 3,10-15 ; Lc 18,10-14
Pour une personne ayant la foi, la réalité la plus importante est la communion avec Dieu qui se réalise par la prière. Mais prier ne signifie pas « réciter des prières ». On ne doit pas se laisser agir spontanément, prier seulement quand on en a envie. Il faut apprendre à prier. Le meilleur enseignant de la prière, c’est l’Écriture sainte. Saint-Paul dit à son disciple Timothée : « toi, demeure ferme dans ce que tu as appris : de cela tu as acquis la certitude, sachant bien de qui tu l’as appris » (2 Tm 3,14).
En effet, c’est Paul lui-même qui a enseigné à Timothée à apprécier la parole de Dieu exprimée dans la Bible : « les Saintes Écritures … ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi que nous avons en Jésus Christ » (v. 15).
Pourquoi est-ce important spécialement quand il s’agit de la prière ? La parabole du publicain et du pharisien nous illumine sur ce point.
Quand nous entendons parler des pharisiens nous pensons immédiatement à des personnes hypocrites, fausses et non sincères. Mais cela n’est pas l’idée que les contemporains de Jésus en avaient. Les pharisiens étaient pieux, religieux, sages, ils étaient des modèles pour les gens simples. Jésus a raconté que « le pharisien se tenait debout et priait en lui-même : “Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes … ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne” » (Lc 18,11-12). Ceci était normal : tant pour les pharisiens, que pour les fidèles. En revanche, le publicain était une personne mauvaise, un voleur, qui dépouillait son propre peuple. Il ne méritait même pas de se tenir dans le temple ! Voici le tableau, la vision stéréotypée de la situation que Jésus est en train de bousculer en proclamant que « c’est lui – le publicain ! – qui était devenu un homme juste, plutôt que l’autre » (v. 14). Que s’est-il passé ?
Notre Seigneur veut nous montrer la vraie nature de la prière. Nous ne prions pas pour notifier le bon Dieu de nos vertus, même de nos fautes ou problèmes. Nous ne prions pas pour influencer le Seigneur de changer ses plans ou sa volonté. Et nous ne devons pas utiliser le temps de prière pour juger nos voisins en montrant notre supériorité. Absolument pas !
Dans la prière c’est Dieu que nous devons toujours chercher. Même quand nous élevons nos supplications pour obtenir quelque faveur, notre but doit être de demander au Seigneur la force à faire sa volonté, à devenir toujours plus proches de sa manière de penser et d’agir. Parce que la prière doit nous changer nous-mêmes, et non pas Dieu !
Quelle était la faute du pharisien, et souvent, en même temps, notre propre faute ? C’est de considérer que nous possédons la vérité tout entière, que nous savons comment doit être le monde et comment chacun doit agir. Cela veut-dire aussi, bien sûr, que les autres sont inférieurs à nous, même pire. Mais tout cela est une illusion ! Car personne n’a pas le droit de juger son prochain, moins encore de le mépriser à cause de ses fautes ou erreurs, comme nous enseigne le pape François.
Le pharisien se croyait supérieur au publicain, et il avait certaines raisons de le croire. Ne sommes-nous pas, nous-mêmes, parfois tentés de nous considérer supérieurs à notre prochain à titre personnel, mais aussi à d’autres communautés, d’autres confessions chrétiennes ? À cette tentation, je propose de répondre par la prière de l’abbé Paul Couturier, un pionnier de l’œcuménisme que vous connaissez bien, car il a été à l’origine de la paroisse Saint-Irénée de Lyon : « Nous sommes tous, absolument tous, en progrès vers la vérité qui est vous-même, indéfiniment poursuivis que nous sommes tous par votre amour, c’est-à-dire par votre Esprit. Nous partons toujours et incessamment. Nous n’arrivons jamais ».
Chers sœurs et frères, nous devons seulement rester humbles devant le Seigneur en reconnaissant nos péchés, comme le publicain qui « se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis !” » (v. 13). Voici la vraie nature de la prière.
Cherchons pendant le carême que nous débuterons bientôt à apprendre à prier dans la vérité, dans l’humilité et dans la charité envers chacun.
Lyon, église Saint-Irénée, le 24 janvier 2021